On connaît bien la phrase d’Hippocrate “Que la nourriture soit ton médicament” mais probablement moins son affirmation selon laquelle “toute maladie commence dans l’intestin”. Ce médecin grec du 4ème siècle avant JC était un véritable visionnaire, puisque les récentes découvertes scientifiques semblent lui donner raison. En effet, de nombreuses études ont mis en lumière le rôle de certaines bactéries présentes dans nos intestins dans le développement de nombreuses maladies. Si l’on se fie à ces études, pourquoi vouloir améliorer son microbiote, et comment y parvenir ? Quels sont les différents outils à notre disposition ?
Qu’est-ce que le microbiote
Le corps humain abrite des milliards de micro-organismes. Ainsi, bactéries, microchampignons et protistes vivent dans un environnement spécifique qu’on appelle le microbiome. Le microbiote est l’ensemble des ces micro-organismes vivant chez un hôte :
- animal ;
- végétal ;
- aérien ;
- une matière d’origine animale ou végétale.
Les plus grandes populations de microbes résident dans l’intestin. D’autres habitats prisés de ces micro-organismes incluent la peau et les organes génitaux (la fameuse “flore vaginale” chez les femmes). Par ailleurs, chacun d’entre nous possède une combinaison unique d’espèces microbiennes. Ainsi, la relation qui nous lie à nos microbes est vitale pour être en bonne santé. Autrement dit, nous sommes tributaires de ces petits organismes pour combattre la maladie, digérer les aliments et même être de bonne humeur !
A défaut de l’améliorer, qu’est-ce qui peut menacer l’équilibre du microbiote, et comment ?
Les antibiotiques : une menace pour le microbiote
Les chercheurs ont constaté que les personnes qui ont un microbiote riche et diversifié vivent plus longtemps en bonne santé. Ces personnes ont par ailleurs une alimentation riche en fibres et sont peu consommatrices d’antibiotiques. Pour rappel : nous ne les consommons pas seulement par le biais de médicaments. Les industriels administrent de manière préventive des antibiotiques aux animaux dont nous consommons la chair. Cette pratique courante contribue au phénomène d’antibiorésistance, c’est-à-dire la résistance de certaines bactéries aux traitements antibiotiques.
Comment améliorer son microbiote pour être en bonne santé ?
Le rôle du microbiote dans l’assimilation des nutriments
Les microbes présents dans nos intestins nous permettent non seulement d’absorber l’énergie des aliments, mais ils sont aussi essentiels à l’absorption de leurs nutriments. En effet, notre flore intestinale nous aide à décomposer les molécules complexes notamment présentes dans les viandes et les légumes. Par exemple, la cellulose végétale serait parfaitement indigeste sans l’aide de ces bactéries.
Comme nous l’avons dit précédemment, la diversité du microbiote est directement corrélée à la diversité du régime alimentaire d’une personne. On constate effectivement que des jeunes adultes qui ont une alimentation très variée présentent un microbiote intestinal plus diversifié que ceux qui suivent un régime alimentaire riche en aliments industriels transformés. Pourquoi ? Car ces derniers sont très pauvres en fibres.
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Le microbiote : le siège de l’immunité
Tout animal – y compris humain – a besoin de développer sa flore intestinale. Les humains acquièrent leurs premiers microbes à la naissance, par le biais des voies naturelles de leur mère. Sans ces premiers contacts avec la flore de ma mère, l’immunité de l’enfant se développe difficilement. Ainsi, une étude publiée par l’American Academy of Pediatrics [1] montre que les enfants nés par césarienne ont plus de risques de développer plus tard des allergies, d’être atteints de diabète de type 1 ou de contracter une maladie auto-immune.
Le microbiote joue un rôle important dans la résistance à la prolifération intestinale de souches bactériennes néfastes (comme Helicobacter pylori). Les bonnes bactéries de notre microbiote rivalisent alors avec les mauvaises, afin de maintenir un équilibre sain.
Pour résumer : l’exposition dès la plus tendre enfance à des bactéries initie le développement d’un système immunitaire fort, l’aidant ainsi à lutter contre différents agents pathogènes.
Comment lutter contre l’obésité : améliorer son microbiote
Avec autant de régimes à la mode et de conseils contradictoires disponibles sur internet, perdre du gras peut s’avérer un véritable parcours du combattant ! Mais parfois, l’alimentation n’est pas la cause principale de cette difficulté à perdre du poids.
Plusieurs facteurs sont responsables du chiffre qui s’affiche sur la balance : le sexe, l’origine ethnique, les gènes, le régime alimentaire ou encore les médicaments jouent un rôle dans l’accumulation des kilos. La dernière découverte des chercheurs est très prometteuse : le microbiote aurait également son rôle à jouer en matière d’obésité.
Des études [2] ont montré que les personnes obèses ont une “signature de l’obésité” dans leurs intestins. En effet, leur microbiome intestinal est colonisé par certaines souches typiques que l’on retrouve chez la plupart des patients obèses. Ce déséquilibre de leur flore influe directement sur leur métabolisme, augmentant la difficulté à perdre du poids et facilitant la reprise de poids après un régime – et ce, même avec une alimentation saine.
Cette découverte a été confirmée chez l’humain par hasard, grâce à une femme qui, après avoir reçu une greffe de microbiote fécal, est devenue obèse [3].
Le cas des greffes de microbiote fécal
La greffe de microbiote fécal est, comme son doux nom l’indique, la transplantation de matières fécales d’une personne en bonne santé vers une autre personne malade. Cette pratique n’est pas courante, mais c’est le traitement le plus efficace pour une infection à Clostridium difficile, une bactérie qui provoque de sévères diarrhées et douleurs abdominales.
Pour la petite histoire, la donneuse était la propre fille de cette dame devenue obèse ; âgée de 16 ans, elle était en bonne santé, bien qu’en surpoids. La greffe s’était bien déroulée et la dame fut guérie de son infection à Clostridium difficile. Mais, dans les 16 mois qui ont suivi la greffe, la femme pris 17 kilos, sans avoir changé quoi que ce soit à son alimentation. Malgré des régimes et de l’exercice, elle fut incapable de perdre ses 17 kilos en trop. Ce qu’on peut conclure de cette histoire : la greffe de microbiote a bien permis a cette dame de guérir de son infection, mais elle n’a pas pour autant permis d’améliorer l’équilibre de son microbiote.
Cet effet a été confirmé de nombreuses fois chez l’animal. Des études ont mis en évidence le rôle de certaines souches bactériennes dans la prise de poids des rats testés. En introduisant une greffe fécale de souris obèses à des souris de poids normal, les souris de poids normal sont progressivement devenues obèses.
Les liens entre le microbiote et le cerveau
La majorité des scientifiques – microbiologistes, gastro-entérologues, neurobiologistes – considèrent aujourd’hui que les intestins sont bien plus qu’un organe au service de la digestion. Notre microbiote est un organe complexe, disposant lui-aussi de neurones communiquant avec nos neurones cérébraux : il est bel et bien notre deuxième cerveau. Cependant, peut-on en déduire que nos bactéries intestinales influencent directement nos comportements ?
Améliorer son microbiote, ou comment lutter contre l’anxiété et la dépression
Erica et Justin Sonnenburg, tous deux Docteurs en sciences biomédicales, décrivent dans leur livre L’incroyable pouvoir de votre microbiote des tests de mémoire faits sur des souris de laboratoire. Deux groupes de souris ont été soumises à l’expérience : d’un côté des souris normales, de l’autre des souris dépourvues de flore intestinale.
Dans un premier temps, les chercheurs ont donné 5 minutes aux souris pour découvrir deux nouveaux objets : un petit anneau lisse et un grand anneau à carreaux. Ensuite, les chercheurs ont retiré ces deux anneaux des cages des souris, pour les réintroduire au bout de vingt minutes, avec un tout nouvel objet (un emporte-pièce en forme d’étoile).
Résultat stupéfiant : les souris normales sont directement allées vérifier l’emporte-pièce, qu’elles ne connaissaient pas, et ont ignoré l’anneau à carreaux. Les souris sans microbiote, quant à elles, ont passé tout autant de temps à scruter l’emporte-pièce que l’anneau à carreaux, comme si elles ne l’avaient jamais vu auparavant.
L’oubli chez ces souris peut s’expliquer ainsi : les souris au microbiote stérile ont des taux faibles d’une protéine spécifique nommée facteur neurotrophique dérivé du cerveau [4]. Cette protéine est capable de réguler le développement des neurones, et donc des fonctions de l’apprentissage et de la mémoire.
Mais… Nous ne sommes pas souris ! Certes, mais il serait assez compliqué – et pas très éthique – de créer des humains sur-mesure, stériles de tout micro-organisme, pour les besoins d’une étude. On devra donc se contenter, pour le moment, d’expériences en laboratoire sur des souris.
Toutefois, on constate que les personnes déficitaires de cette protéine sont plus sujettes à la dépression et à l’anxiété.
Comment le microbiote peut améliorer nos humeurs
Savais-tu que les micro-organismes peuplant notre microbiote étaient capables de produire des neurotransmetteurs ? Les neurotransmetteurs sont des messagers chimiques qui participent à la communication entre le cerveau et l’organisme.
La sérotonine, par exemple, est l’un d’entre eux. Elle est impliquée dans la gestion des humeurs ; lorsqu’elle est à un taux équilibré, la sérotonine augmente la sensation de bonheur [5] et réduit la prise de risques [6]. On estime que 90% de la sérotonine est produite dans l’intestin. Plus précisément, la majorité de la sérotonine produite l’est par ces 4 souches bactériennes : Candida, Streptococcus, Escherichia et Enterococcus.
Mais ce n’est pas le seul neurotransmetteur à être fabriqué par nos bactéries ! Deux autres souches, Lactobacillus et Bifidobacterium, produisent de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). C’est un neurotransmetteur inhibiteur ayant des effets relaxants et anxiolytiques.
Deux autres, Bacillus et Serratia, produisent la dopamine, le neurotransmetteur de la motivation. Pouvons-nous trouver là de quoi aiguiller ton choix en matière de probiotiques ?
Les probiotiques : plus forts que les antidépresseurs ?
Si l’on voulait excessivement simplifier les choses, on dirait que notre microbiote est une véritable usine pharmaceutique. Il s’avère que notre flore intestinale semble affecter le cerveau à tel point que la recherche clinique chez les rongeurs suggère que certains probiotiques ont des effets antidépresseurs et anxiolytiques [7]. Une étude a même révélé que Bifidobacterium infantis avait des effets antidépresseurs comparables à ceux du médicament antidépresseur Citalopram [8].
En conclusion
Les bienfaits des fibres sur la régularité digestive sont dorénavant bien connus. Toutefois, la recherche médicale met de plus en plus en lumière les effets bénéfiques sur la santé d’une flore intestinale saine. Et quoi de mieux pour nourrir convenablement notre microbiote que de lui donner une grande variété de fibres ? Pour cela, ce n’est pas nécessaire de demander une greffe fécale à ton médecin ! Veille à manger beaucoup de végétaux et à en varier les sources. Et si jamais tu le souhaites, tu peux également opter pour un supplément probiotique. Il existe même maintenant des symbiotiques, c’est-à-dire des complexes de probiotiques, de prébiotiques (les fameuses fibres dont les bactéries se nourrissent) et de vitamines. Au final, améliorer l’équilibre du microbiote n’est pas si compliqué… Alors, prêt-e à prendre soin de tes petits amis bactériens ?
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Sources :
- Astrid Sevelsted, Jakob Stokholm, Klaus Bønnelykke, Hans Bisgaard; Cesarean Section and Chronic Immune Disorders. Pediatrics January 2015; 135 (1): e92–e98. 10.1542/peds.2014-0596
- Warburton DER, Bredin SSD. Health benefits of physical activity: a systematic review of current systematic reviews. Curr Opin Cardiol. 2017 Sep;32(5):541-556. doi: 10.1097/HCO.0000000000000437. PMID: 28708630.
- Alang N, Kelly CR. Weight gain after fecal microbiota transplantation. Open Forum Infect Dis. 2015;2(1):ofv004. Published 2015 Feb 4. doi:10.1093/ofid/ofv004
- Sudo N, Chida Y, Aiba Y, et al. Postnatal microbial colonization programs the hypothalamic-pituitary-adrenal system for stress response in mice. J Physiol. 2004;558(Pt 1):263-275. doi:10.1113/jphysiol.2004.063388
- Young SN, « How to increase serotonin in the human brain without drugs », Journal of Psychiatry & Neuroscience, vol. 32, no 6, novembre 2007, p. 394–9 (PMID 18043762, PMCID 2077351)
- Virginia Tech. « Keep calm and carry on: Scientists make first serotonin measurements in humans. » ScienceDaily. ScienceDaily, 30 April 2018.
- Qiu X, Wu G, Wang L, Tan Y, Song Z. Lactobacillus delbrueckii alleviates depression-like behavior through inhibiting toll-like receptor 4 (TLR4) signaling in mice. Ann Transl Med. 2021 Mar;9(5):366. doi: 10.21037/atm-20-4411. PMID: 33842587; PMCID: PMC8033381.
- Desbonnet L, Garrett L, Clarke G, Kiely B, Cryan JF, Dinan TG. Effects of the probiotic Bifidobacterium infantis in the maternal separation model of depression. Neuroscience. 2010 Nov 10;170(4):1179-88. doi: 10.1016/j.neuroscience.2010.08.005. Epub 2010 Aug 6. PMID: 20696216.
Crédit photo de couverture : Anete Lusina provenant de Pexels
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